A l’occasion de la Journée africaine des droits de l’Homme et des peuples, la Commission des droits de l’Homme du Cameroun (CDHC) a tenu à rappeler, dans une déclaration publiée lundi dernier, 20 octobre 2025, que la justice et les réparations demeurent au cœur des priorités nationales. Le pays s’aligne ainsi sur le thème choisi cette année par l’Union africaine (UA) : « Justice et réparations pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine ».
Une vision panafricaine
Créée par la loi en 2019 et devenue opérationnelle en 2021, la CDHC inscrit son action dans le prolongement de la 37ᵉ assemblée ordinaire de l’Union africaine tenue en février 2024. L’enjeu, selon l’institution, n’est plus seulement de solder les comptes du passé — esclavage, colonialisme ou apartheid — mais de repenser les politiques publiques pour corriger les inégalités héritées de ces systèmes.
Des politiques publiques à dimension réparatrice
Plusieurs mesures récentes sont présentées par la CDHC comme des pas significatifs vers une justice réparatrice :
- Protection des ressources autochtones : En juillet 2025, le président de la République a réservé l’exploitation du gisement aurifère de Kambélé (Est) aux artisans locaux, annulant la concession initialement accordée à une entreprise privée ;
- Réhabilitation éducative : Le gouvernement a lancé en mars 2025 la deuxième phase d’une vaste opération de délivrance d’actes de naissance aux élèves du primaire. Objectif : doter plus d’un million d’enfants (1 038 699) de documents d’état civil, grâce à un budget de 2,4 milliards de francs CFA. Dans le même esprit, le Programme d’éducation accélérée, mis en œuvre dans l’Extrême-Nord depuis juillet 2025, a permis à plus de 400 enfants déplacés internes de réintégrer le système scolaire, s’ajoutant aux 4 000 élèves réinsérés depuis janvier 2024 ;
- Droits fonciers et environnementaux : Le projet Sustainable Agriculture for Forest Ecosystems (SAFE), lancé en juin 2025, promeut une agriculture durable et renforce la reconnaissance des droits fonciers des communautés autochtones dans six régions du pays.
- Avancées sociales et familiales : En février 2025, l’ouverture du Centre de promotion de la femme et de la famille à Messamena (Est) a marqué un tournant. Mariages collectifs, rétablissement d’identité pour 250 enfants et renforcement du rôle de la femme y ont été célébrés. Un autre programme, lancé fin 2024, a permis l’enregistrement de 14 222 enfants dans sept régions grâce à un financement de 142 millions de francs CFA.
La CDHC souligne cependant que ces efforts demeurent freinés par plusieurs obstacles : le manque de centres d’état civil, particulièrement en milieu rural, les résistances culturelles persistantes, et la lenteur du traitement judiciaire qui alimente la surpopulation carcérale.
Les tensions communautaires et le tribalisme, l’accès limité des femmes à la propriété foncière, ainsi que l’exclusion numérique des populations autochtones figurent également parmi les défis structurels à surmonter.
Cap sur une justice plus inclusive
Dans ses recommandations, la CDHC s’appuie sur les huit engagements acceptés par le Cameroun lors du quatrième Examen périodique universel (EPU), adopté en mars 2024. Elle préconise notamment :
- De lutter contre l’impunité par des enquêtes indépendantes sur les disparitions forcées, tortures et exécutions extrajudiciaires ;
- D’étendre les tribunaux mobiles pour faciliter l’enregistrement des naissances dans les zones enclavées ;
- De renforcer la protection des enfants et des femmes contre les mariages précoces et les mutilations génitales ;
- D’introduire une budgétisation sensible aux droits humains, surtout ceux des enfants ;
- D’accélérer le traitement des affaires judiciaires et d’encourager des peines alternatives comme les travaux d’intérêt général ;
- Et enfin, de déployer des programmes de réparations économiques, par des microcrédits et des formations pour les femmes victimes d’exclusion ou de discrimination.
La CDHC invite donc les victimes et témoins de violations des droits humains à rompre le silence. La Commission rappelle qu’elle reste joignable via son numéro vert national, 1523, accessible gratuitement sur tout le territoire.
Un message fort, dans un contexte où la justice réparatrice apparaît de plus en plus comme un pilier du développement équitable et de la cohésion sociale au Cameroun.