Drépanocytose : changer de regard, mieux accompagner | Crédit photo : ME
Drépanocytose : changer de regard, mieux accompagner | Crédit photo : ME

A l’occasion de la Journée mondiale de la drépanocytose, le Centre Pasteur du Cameroun, en partenariat avec le Groupe d’étude de la drépanocytose du Cameroun (GEDREPACAM), a organisé une conférence-débat autour du thème : « Drépanocytose en milieu sociétal et familial : enjeux et défis », le jeudi 19 juin 2025.

Tenu dans la salle de conférence du Centre Pasteur à Yaoundé, l’événement a réuni des experts de la santé mentale, des chercheurs en sciences sociales, des professionnels de santé, des décideurs, ainsi que des membres de la société civile, pour une discussion interdisciplinaire sur les réalités psychosociales vécues par les personnes atteintes de drépanocytose.

Un enjeu de santé publique et de société

Pour le Centre Pasteur du Cameroun, cette table ronde s’inscrit dans sa mission de promotion de la santé publique et de diffusion des résultats scientifiques. « Il était important pour nous de marquer cette journée par une conférence qui sensibilise la communauté à l’existence de cette maladie, et surtout à la nécessité de changer le regard porté sur les malades », a souligné Dr Suzanne Belinga, représentante du Centre.

Souvent perçue à tort comme une condamnation précoce à la mort, la drépanocytose peut aujourd’hui être prise en charge efficacement. Les personnes atteintes peuvent vivre longtemps, travailler, se marier, avoir des enfants — une réalité encore peu intégrée dans l’imaginaire collectif.

Une prise en charge globale, entre médecine et accompagnement psychosocial

Le Pr Françoise Ngo Sack, spécialiste en hématologie clinique, a insisté sur la nécessité pour les patients de bien connaître leur maladie. Elle a présenté les « dix règles d’or » à respecter pour limiter les crises douloureuses : « Une bonne hydratation, éviter les changements brusques de température, le stress, les efforts intenses, porter des vêtements amples, se faire vacciner, respecter ses rendez-vous médicaux, et surtout, apprendre à reconnaître les signes annonciateurs des crises. »

Elle a également détaillé les stratégies de gestion des crises à domicile : prise d’antidouleurs de palier 1 ou 2, chaleur, repos, hydratation. Mais elle alerte : « Lorsque les traitements de première ligne échouent, il est crucial de se rendre à l’hôpital rapidement. Le palier 3, avec des médicaments comme la morphine, nécessite une surveillance médicale. »

Regards croisés : entre traditions, société et témoignage de vie

L’anthropologue Dr Bingono Bingono a apporté un éclairage culturel fort sur la manière dont la drépanocytose est perçue dans les sociétés africaines : « Dans nos cultures, la maladie est souvent interprétée comme une rupture des lois — divines, naturelles ou sociales. Cela induit un sentiment de culpabilité chez le malade. »

Il a évoqué la croyance selon laquelle la maladie découlerait de « rencontres interdites de sang » ou de « ruptures de lois alimentaires pendant la grossesse », illustrant la manière dont les représentations culturelles influencent l’acceptation ou la stigmatisation de la maladie.

Le Pr Thierry Ndong, psychiatre de renom et lui-même drépanocytaire, a livré un témoignage poignant. Stigmatisé à l’école, au sein de sa famille et dans sa vie affective, il a pourtant réussi à surmonter les obstacles : « Ce sont l’amour de ma mère et ma détermination qui m’ont permis de devenir ce que je suis. La drépanocytose n’est pas une fatalité. On peut réussir sa vie, fonder une famille, réaliser ses rêves. »

Il a insisté sur le rôle fondamental de l’amour, du soutien familial et de l’acceptation de soi dans la résilience des patients.

Une dynamique de plaidoyer et d’action

Le représentant du ministère de la Santé publique a salué l’initiative et présenté les perspectives politiques, notamment le projet de dépistage systématique des femmes enceintes dans les formations sanitaires. Un dépistage précoce permet en effet une meilleure prise en charge dès la naissance.

Des résultats attendus et des engagements renouvelés

La conférence a permis : de mettre en lumière les impacts psychosociaux de la drépanocytose ; de valoriser les efforts conjoints du GEDREPACAM et du Centre Pasteur ; de favoriser une approche interdisciplinaire et humaine de la maladie ; de renforcer le plaidoyer pour une politique nationale cohérente et inclusive.

Au terme de la rencontre$, les organisateurs ont réaffirmé leur volonté de faire évoluer les représentations sociales et d’ouvrir de nouveaux champs de réflexion sur la maladie.

Créé en 2012, le Groupe d’étude de la drépanocytose du Cameroun (GEDREPACAM) regroupe des professionnels de santé engagés dans l'amélioration de la prise en charge de la drépanocytose. Il mène des actions de formation, de sensibilisation, de dépistage néonatal, et porte un plaidoyer actif pour une stratégie nationale de lutte contre la maladie.

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