La Plateforme nationale des organisations de promotion de l’inclusion des personnes handicapées au Cameroun, en collaboration avec Elections Cameroon (ELECAM), a tenu une conférence de presse ce vendredi 3 octobre 2025 au siège de la FECASDI, à Nkol-Eton. Objectif, sensibiliser, mobiliser et présenter un nouvel outil d’aide au vote — la pochette tactile, conçue pour permettre aux déficients visuels de voter en toute autonomie lors de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025.
Une collaboration de longue date avec ELECAM
Cette initiative s’inscrit dans la continuité d’un partenariat entamé depuis 2011 entre la Plateforme et ELECAM, avec l’appui de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés, du Centre des Nations unies pour la démocratie et les droits de l’Homme en Afrique centrale (CNUDDH-AC) et de l’ONG Sightsavers.
Depuis lors, plusieurs actions ont été menées pour rendre le processus électoral plus inclusif : sensibilisation, plaidoyer, accessibilité des bureaux de vote et mobilisation des électeurs handicapés.
Aujourd’hui, plus de 33 000 personnes handicapées figurent sur le fichier électoral national — un chiffre salué comme une avancée majeure dans la participation citoyenne.
Après l’étiquette en braille introduite lors des précédentes élections, la pochette tactile marque une nouvelle étape dans la marche vers une démocratie accessible à tous.
Une alternative innovante au braille
Jusqu’ici, le vote des personnes déficientes visuelles reposait uniquement sur le braille. Problème, tous les malvoyants ne le lisent pas. C’est là qu’intervient la pochette tactile, un dispositif ingénieux qui permet de voter sans dépendre du braille.
Le principe est simple : « Le nombre de points tactiles en relief sur la pochette correspond au numéro du candidat à la présidentielle », a expliqué Gabriel Fogang, lors d’une démonstration. « Voici le nom du parti ici écrit en braille. Mais pour ceux qui ne savent pas lire le braille, de ce côté, il y a des points. Le nombre de points vous indique le candidat selon l’ordre de publication des listes. Par exemple, Ateki, c’est un point — une bosse facilement identifiable au doigt. »
Une innovation qui, selon les participants, permet à chaque électeur déficient visuel d’exprimer son choix en toute autonomie, confidentialité et dignité.
Informer, mobiliser et encourager le vote
Pour François Kenfack, leader des Organisations de personnes handicapées (OPH), la conférence avait pour but d’encourager les personnes handicapées à retirer leurs cartes électorales et à participer activement au scrutin. « Nous ne sommes pas un parti politique, mais nous avons notre mot à dire. Chaque personne handicapée choisira le candidat de son choix, mais nous voulons que notre vote soit reconnu et pris en compte dans les politiques publiques », a-t-il affirmé avec conviction.
De son côté, Franck Ekotto, représentant d’Elections Cameroon, a détaillé les aménagements mis en place par ELECAM pour garantir une élection véritablement inclusive. « Des dispositions spéciales ont été prises pour l’accessibilité physique des bureaux de vote, la présence d’interprètes en langue des signes, et l’assistance adaptée pour les électeurs à mobilité réduite », a-t-il précisé.
Des avancées et des attentes
Les intervenants ont unanimement salué les efforts d’ELECAM, tout en appelant à aller plus loin. « Nous n’avons pas encore de candidat handicapé à cette élection », a regretté M. Kenfack, « mais plusieurs partis — l’UNDP, le FNSC et le PCRN — nous ont reçus et ont pris des engagements en faveur de l’inclusion. »
Une reconnaissance partagée, mais aussi un appel à une représentation politique plus forte des personnes handicapées lors des prochaines échéances locales et législatives.
L’expérience ghanéenne comme modèle
Présente à la conférence, Eveline Angonié, initiatrice de la pochette tactile, a partagé l’origine de cette innovation. « Je me suis inspirée du modèle ghanéen, où ce dispositif est déjà utilisé avec succès depuis plusieurs années », a-t-elle expliqué.
« J’ai simplement voulu adapter cette bonne pratique à notre contexte pour que, ici aussi, chaque citoyen puisse voter sans assistance. »
Son initiative, saluée par l’ensemble des participants, symbolise une inclusion électorale désormais tangible.
Vers une inclusion totale
Les représentants du mouvement ont invité les médias à montrer, le jour du vote, les images des personnes handicapées accomplissant leur devoir civique. « Nous voulons être vus. Notre participation est une arme pour réclamer notre place dans la société », ont-ils martelé.
Les perspectives sont déjà encourageantes : dans la région du Sud, une personne handicapée conduit une liste aux élections régionales prévues le 30 novembre 2025.
La Plateforme plaide désormais pour au moins deux candidats handicapés par liste municipale, preuve d’une volonté croissante d’inclusion politique.
La conférence de presse a rappelé que le vote des personnes handicapées est un droit fondamental. En tant qu’alternative au braille, la pochette tactile marque une avancée majeure vers des élections réellement accessibles et participatives.
En votant massivement le 12 octobre 2025, les personnes handicapées entendent prouver qu’elles comptent pleinement dans la vie démocratique du Cameroun.