Le ministre camerounais de l'Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo a procédé à l'ouverture de la dixième session ordinaire de la conférence des recteurs des universités et responsables des organismes de recherche d'Afrique centrale au palais des Congrès à Yaoundé, le 4 mars 2025. Le thème retenu pour ces travaux de deux jours est : « L'apport de l'enseignement supérieur, de la recherche et de la formation professionnelle dans le processus d'industrialisation de l'économie de la CEMAC.» Il était donc question d'orienter les réflexions sur les thématiques qui boostent l'économie notamment : l'apport de la filière technique et professionnelle dans le processus d'industrialisation des économies en Afrique Centrale ; la professionnalisation des enseignements et le réforme de l'enseignement technique pour améliorer l'employabilité des jeunes et le potentiel du numérique.
Repenser le système éducatif : un impératif catégorique
Le banquet scientifique qui vient de se dérouler à Yaoundé a réunit autour d'une même table les universitaires et administrateurs des universités et grandes écoles autour de la définition et de la préparation d'une feuille de route pour une nouvelle ère du système d'enseignement supérieur dans la sous-région. Ladite feuille de route est destinée à répondre aux défis actuels auxquels les peuples de la CEMAC et notamment sa jeunesse, sont confrontés en raison de diverses formes de crises qui minent les avancées du processus d'intégration régionale.
En ouvrant les travaux le Pr Jame Fame Ndongo a précisé que «la dixième conférence des recteurs est un rendez-vous des conceptions nouvelles, innovantes, créatives et visionnaires». Ces conceptions servent à la fois aux agendas du développement durable et ouvrent la voie à «des futures communautés d'apprentissage qui favorisent une réelle formation-emploi», a expliqué le ministre de l'Enseignement supérieur.
Au cours des travaux, les recteurs ont porté une attention particulière sur l'évaluation et la mise en œuvre du système LMD (licence-master-doctorat) dans les États membres de la CEMAC. Un système qui a fait naître beaucoup d'espoir en Afrique au regard des avantages qu'il présente : professionnalisation accrue avec l'intégration des stages et projets pratiques préparant mieux à l'emploi ; encouragement de l'autonomie ; enseignements axés sur la recherche, l'initiative personnelle et les compétences transversales ; amélioration de la qualité des formations ; développement du travail en groupe, l’esprit critique et l'intégration ; Alignement avec les standards internationaux... Malheureusement, les défis tels que le manque d’infrastructures adaptées ; l'insertion professionnelle parfois difficile après la licence ; la difficile adaptation des enseignements et même des étudiants freine la mise en œuvre complète de ce système dans la plupart des pays de la CEMAC. Ce qui empêche de tirer profit de tous les avantages dus à ce système fortement acclamé au moment de son intégration dans les années 2000 dans les pays de la zone : Cameroun 2007 et généralisation en 2012; Gabon 2010 ; Congo 2011 ; RDC 2001 ; RCA 2012 ; Tchad 2012 ; Guinée Équatorial, adoption partielle jusqu'à date.
Une jeunesse qui a du mal à s'insérer dans le milieu de l'emploi
Essangui Pauline Lionnelle est une jeune dame de 32 ans, femme au foyer et mère de trois enfants. Elle est titulaire d'une licence en banque, monnaie et finance, obtenue à l'université de Yaoundé II Soa en 2016 : «J'ai déposé mes dossiers dans plusieurs entreprises du pays. Je n'ai jamais été appelé même pour un entretien. Découragée, je ne cherche plus. Je m'occupe de mes enfants et mon époux se débrouille à ramener un peu d'argent à la maison». Lith Jusse Kévine, jeune femme âgée de 34 ans, vit presque la même situation. Elle est titulaire d'un master en gestion, analyse et évaluation des projets obtenu à l'Essec de Douala en 2017 : «Moi, j'ai eu la chance de travailler en cabinet après l'obtention de mon Master. Ce cabinet a fermé et je me suis retrouvée au quartier depuis plus de quatre ans. Je m'occupe de mes enfants à longueur de journée mais j'ai espoir. Je continue de chercher du boulot». Bobé Mboka Grâce est pour sa part titulaire d'une licence en droit obtenue à l'université de Soa en 2010. Reconvertie en coiffeuse, la jeune femme âgée de 37 ans a mal lorsqu'elle pense à ces années difficiles passées à l'université de Yaoundé II : «Ma pauvre mère n'était qu'une petite vendeuse de poisson frais. Elle a souffert pour financer mes études. Je devais payer le loyer à Soa, me nourrir, payer mes frais de scolarité et les documents. C'était très dur mais j'ai pu obtenir ma licence. Tous ces sacrifices n'ont servi à rien.» Odette Ollé Wahoua, est une jeune femme âgée de 31 ans et titulaire d'un master 1 en droit, obtenu à l'université de Douala en 2018 : «J'attends le prochain concours du barreau pour tenter ma chance. Cette fois, je n'ai pas eu de l'argent pour déposer ma candidature. Certainement la prochaine sera la bonne. Je caresse l'espoir de devenir une grande avocate qui travaillera sur des dossiers sensibles.»
Fauchés par un système éducatif qui n'a pas tenu compte de l'adéquation formation-emploi, fauchés également par un contexte fortement marqué par le manque de débouchés, Ils sont des milliers au Cameroun, ces jeunes qui ont obtenu des diplômes universitaires mais qui passent leurs journées à faire des bricolages au quartier. Si certains espèrent à un lendemain meilleur, d'autres ont perdu tout espoir. La situation du Cameroun n'est guère différente de celle des autres pays de la zone CEMAC.
La jeunesse de la sous-région représente une force dynamique et un véritable potentiel mais est confrontée à d'énormes défis : chômage et précarité économique avec un marché du travail saturé ; accès limité à une éducation de qualité ; pauvreté ; manque d'opportunités d'emplois stables... la liste n'est pas exhaustive. Au sortir des travaux de Yaoundé, une feuille de route destinée à répondre à tous ces défis a été déposée sur la table de la CRUROR-AC. Il reste qu'elle soit véritablement exploitée et apporte des solutions aux problèmes de la formation professionnelle et de développement économique de la sous-région. La conférence des recteurs se réunit chaque année sur convocation du président de la commission de la CEMAC. La prochaine rencontre aura lieu en RCA. Le Pr Gérard Gresenguet, recteur de l'université de Bangui est le nouveau président en exercice. Il remplace à ce poste le Pr Remy Magloire Etoa, recteur de l'université de Yaoundé I qui présidait les travaux de Yaoundé.
