Le congrès international sur la maladie d'Alzheimer s’est tenu le 25 février 2025 au palais des congrès à Yaoundé. Plusieurs spécialistes en neurologie sont venus de tous les coins du Cameroun, du Tchad, de la Centrafrique et des autres pays du monde pour échanger sur les nouvelles approches de la prise en charge de l'Alzheimer, une maladie évolutive qui détruit la mémoire et d'autres fonctions mentales. A la sortie des travaux, l'équipe rédactionnelle de Centrifuge Hebdo s'est approchée de Dr Léonard Ngarka, médecin neurologue à l'hôpital central de Yaoundé et enseignant à la faculté de médecine et des sciences biomédicales de l'université de Yaoundé I.
Centrifuge Hebdo : Dr Ngarka, pouvez-vous nous expliquer ce qu'est cette maladie qu'on appelle Alzheimer ?
Dr Ngarka : L'Alzheimer est une pathologie neurologique qui entraîne une perte de la mémoire associée à d'autres fonctions cognitives supérieures. Elle affecte la mémoire d'une manière sévère et a de ce fait un impact considérable sur l'activité, sur l'autonomie de la personne. Elle est vraiment débilitante. Avant on se disait que c'était plus fréquent en Occident mais aujourd'hui, on a de plus en plus de patients qui en souffrent .
Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer cette augmentation des malades d'Alzheimer dans notre contexte ?
Premièrement, la population est davantage vieillissante. Deuxièmement, les facteurs de risque de cette maladie augmentent de façon considérable. Toutes choses qui contribuent à augmenter le taux de prévalence et l'incidence de la maladie d'Alzheimer au sein de notre population. C'est pour ces raisons que les initiative comme le forum sur L'Alzheimer qui s'achève en terre camerounaise sont importantes. Nous avons essayé de voir comment faire pour éduquer les populations ; nous avons réfléchi comment former les médecins et les experts sur la prise en charge ; nous avons également pensé aux sujets de recherche, les domaines sur lesquels nous pouvons faire les recherches afin d'améliorer le diagnostic et la prise en charge de cette pathologie.
Peut-on prévenir cette terrible maladie que nous redoutons tous ?
Effectivement, l'accent doit être mis sur la prévention. C'est exactement pour cette raison que j'ai parlé plus haut d'éducation de la population. Il est question dans le cadre de la prévention, de bien gérer les facteurs de risque. Ces facteurs de risque sont : la sédentarité, l'hypertension, le diabète, les AVC, la dépression, la pollution.. Donc si quelqu'un est hypertendu, il doit se rassurer de bien prendre son traitement, bien contrôler sa pression artérielle, s'impliquer dans les activités cognitives régulièrement, faire du sport, bien dormir, éviter d'être stressé. Cette bonne hygiène de vie peut nous éloigner de la maladie d'Alzheimer.
Peut-on guérir de la pathologie d'Alzheimer ?
Malheureusement, pour l'instant, il n'existe pas de traitement curatif ; mais il existe des traitements qui peuvent prévenir, empêcher la progression de la maladie et aussi améliorer la qualité de vie du malade.
Dr Ngarka, on a souvent associé cette maladie à l'âge. Est-ce une maladie qui ne frappe que les personnes du troisième âge ?
La maladie d'Alzheimer touche les personnes âgées de 65 ans et plus, mais on a eu des cas de patients plus jeunes. Ceci est dû à notre style de vie avec une exposition aux facteurs de risques vasculaires, aux facteurs de risque de la maladie. Voilà l'explication pour laquelle la maladie touche de plus en plus les moins de 65 ans.
Quelle est la place de la naturopathie dans la prise en charge des malades d'Alzheimer ?
Avant de répondre à cette question, j'aimerais mentionner ceci : les malades d'Alzheimer ont un facteur commun qui aggrave le fardeau de la maladie, c'est la stigmatisation. Cette maladie est souvent attribuée à la sorcellerie, or c'est juste une maladie. Le fait qu'on attribue la maladie à la sorcellerie fait que les gens ne viennent pas très tôt à l'hôpital. Ils sont stigmatisés, on laisse progresser la maladie et ça pourrit la vie du malade. Et pourtant c'est une pathologie. Quand quelqu'un en souffre, il doit être conduit à l'hôpital dès les premiers symptômes. Généralement dans notre contexte africain, on commence par le marabout qui doit enlever le sorcier qui est entré dans le malade.
Je n'essaie pas de dire que les médicaments traditionnels ne sont pas efficaces. Nous croyons à ces médicaments mais ils ont un problème : ils ne sont pas bien quantifiés, le dosage n'est pas bien fait, les effets secondaires ne sont pas bien étudiés. Ce qui rend l'accès à ces médicaments très difficiles. Dans notre association, Brain - association internationale fondée par un neurologue camerounais. Elle vise la santé et le développement durable en Afrique grâce à la recherche en neurosciences, à l'éducation et à la prestation de services - nous faisons la recherche sur les plantes. On a par exemple un de nos collègues qui a mené des recherches sur le bitter kola (une cola blanche très prisée au Cameroun). Ces recherches démontrent que le bitter kola peut améliorer les troubles cognitifs chez le rat. Notre objectif c'est d'étudier aussi ça chez les êtres humains pour savoir comment ça peut également améliorer les fonctions cognitives chez un être humain qui souffre de troubles cognitifs. Il est également question de voir si cette cola peut empêcher à un être humain d'avoir les troubles cognitifs. Nous croyons donc que la médecine dite traditionnelle est utile, il faut simplement mieux l'encadrer. En travaillant en synergie avec les naturopathes, je pense qu'on peut faire des merveilles.
